Rencontres de la photographie, Arles


”Rencontres de la photographie - arles” (4 juil - 26 sept 2021)
Désidération (anamanda sîn)

UN PROJET MENÉ PAR SMITH, DIPLOMATES ET LUCIEN RAPHMAJ.
AVEC FRANÇOIS CHAIGNAUD, GASPAR CLAUS, NADÈGE PITON, ZÉLIA SMITH, ADRIAN GEBHART, ETC.

PUBLICATION : DÉSIDÉRATION (ANAMANDA SÎN), SMITH ET LUCIEN RAPHMAJ, ÉDITIONS TEXTUEL, 2021.

RETROUVEZ LE PROLONGEMENT DE L’EXPOSITION DÉSIDÉRATION EN GARE D’AVIGNON TGV, AVEC SNCF / GARES & CONNEXIONS.

Avec la figure terrestre d’Anamanda Sîn, on découvrira une nouvelle sensibilité, où les météorites constituent le lien entre le passé et l’avenir, la terre et le ciel, l’art et la science, le non-humain et l’humain, la mélancolie et le désir.

Présentation de l’exposition - par Lucien Raphmaj

Au  premier étage du Monoprix d’Arles se donne à voir dans un espace reconfiguré l’expérience sublimée du personnage fantasmatique d’Anamanda Sîn. C’est à travers sa sensibilité que l’on accède à l’intuition à ce que la “désidération” recouvre, au-delà de la seule perte quotidienne du rapport au ciel étoilé.

Dans une série de photographies tirée sur aluminium se lit un premier registre d’images contrastant entre la froideur du métal et ce qui se dit dans l’enchaînement des images : le manque et la proximité avec les choses du ciel, mais aussi la relation charnelle qui la lie aux animaux, aux étoiles, aux météorites, comme aux paysages. C’est la de l’indéfinie désidération qui se donne à travers ces voyages et ces rencontres. La reconfiguration de l’imaginaire qui se met alors en place dessine sur Terre des constellations vivantes et mortes faites de choses humaines et non-humaines.

Sur un autre mode, les images thermiques tirées sur Plexiglas donnent à sentir, à induire un autre état, une autre attention au réel. Sur le fond noir de l’image, les couleurs étalonnées du violet - le plus froid - au jaune - le plus chaud - donnent à voir littéralement l’invisible pour le monde humain. Ce à quoi elles invitent n’est pas une épiphanie du regard, mais à considération pour ce réel discret, absent. Le fond noir de l’image comme celui du cosmos ou du sommeil fait se détacher les choses en proposant de déplacer son regard littéralement vers le non-humain et de le lier à des images sensibles. 

Cette mise en visibilité de ce qui nous échappe, tant de manière thermique que de manière cosmique - la façon dont toute chose a à voir avec ses lointaines origines stellaires - se joue aussi dans l’éclairage naturel reconfiguré par les néons. Particulièrement mobilisés dans une pièce où ils représentent les apparitions lumineuses et presque extra-terrestres des migraines ophtalmiques, signes annonciateurs d’un état modifié de conscience, les néons composent une relation entre les images. C’est encore une autre façon d’aborder la photographie, où le néon, fait d’un gaz né de l’explosion d’une étoile, bloque et révèle la vision appelant aussi à déplacer le regard, à composer avec ces images absentes comme avec ce ciel manquant, avec ce réel discret.

Dans cette nouvelle cosmologie hybride d’écologie et de spatial, la déambulation est accompagnée par des vidéos présentant “The hostess”, entité des réseaux, camgirl spectrale et séduisante, narrant depuis la toile noire du cosmos numérique les éléments de compréhension de l’histoire d’Anamanda Sîn, incarnée dans les compositions sonores de Gaspar Claus ainsi que par la voix et la chair de François Chaignaud. 

C’est alors tout l’espace qui se met en résonance pour faire ressentir la désidération et le déplacement du regard qui lui est propre, faisant du mouvement des corps des visiteurs le principe d’apparition et de disparition des images sur les corridors structurant l’espace, laissant au seuil du visible et de l’invisible se jouer aussi ces déplacements dans la pensée.  La désidération se joue de ce qui « trans » - architectures poreuses, photographies translucides, pratiques transdisciplinaires, expériences de la transcendance -  pour ouvrir un nouveau regard, proposer un autre rapport au monde, au cosmos. Symbole de ces nouvelles expériences, les Moonbeds et le Complexe sont les premières architectures désidérées.

Pensés sur le modèle de l’incubation dans les temples antiques, les Moonbeds sont des lits lunaires pour écouter la voix hypnotique de Radio Levania en fixant des images cosmiques rayées par les néons, retrouvant dans cet état de rêve éveillé une disponibilité, une porosité aux discours visant à remédier à ce monde désastré. Le Complexe a lui une dimension plus massive et collective. Agençant sa structure à chacun des espaces où il s’est constitué, il est ce vaisseau spatial sur Terre, ne décollant pas, mais accueillant les assemblées désidérées tournées vers les météorites qu’il contient d’ordinaire.

Messagères entre l’ici et l’ailleurs, le cosmique et le terrestre, porteuses de vie et porteuses de mort, les météorites ont une part primordiale dans l’histoire d’Anamanda Sîn et dans la prise de conscience de la désidération. Objets de connaissance et sujets de fascination, cosmos sensible et accessible sur Terre, les météorites sont ici placées dans un Reliquaire où elles sont suspendues entre leur opacité de pierre et l’éclat de leur origine stellaire. 

Ces pierres ne cessent de revenir dans les photos, dans les chants, dans les vidéos, dans les discours, voire même dans la chair. C’est dans un avant-bras que l’on voit dans une archive filmée, le déroulé de l’implantation d’un fragment de météorite. Faire chair avec le monde comme avec les étoiles, c’est cela qui se promet dans cette implantation. C’est dans ce rapport intime avec ces météorites, mélange de ciel et de terre, que l’on transitionne avec la désidération.

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